Tres piedras (bientôt traduit en français)

Era un día sin sol, pero a pesar de esto la familia estaba por salir a dar un paseo por el río. Vivían desde siempre en esa casa de ladrillos torcidos, al borde de un camino que unía dos bosques, sin encontrarse en ningún mapa oficial. Estos muros olvidados protegían a tres niños y a sus padres, entre costumbres y silencios.

Desde el día anterior los padres estaban muy callados, pero eso no era muy diferente a lo usual. Hace meses que ya se veían sensiblemente apagados. Esto había empezado a ocurrir con la llegada del más pequeño, que sufría de asma y alergias constantes.

Cerrando los botones de su abrigo, la madre se miraba fijamente en el espejo roto. Buscaba una manera de escaparse pero sus ojos se quedaban mojados y profundamente grises. Más de una hora pasó antes que abriera la pesada puerta de la casa y los dos mayores salieran velozmente a tomar aire fresco. El padre cogió con fuerza la mano de su mujer. Esta tenia contra su corazón al bebé recién despertado y que respiraba con dificultad. Los seguirían sin mirarse ni una sola vez hasta llegar al río.

La caminata fue interminable y cuando llegaron la mamá soltó el frágil cuerpo que tenía aferrado y lo dejó caminando solo. Así se quedaron largo rato, mirando a distancia como las tres sombras se perdían entre los árboles. Después de algunos pasos perdidos entre las rocas, el más grande subió a un árbol gordo y encontró refugio en el agujero que hacía el tronco al partirse en dos. Ahí se quedó observando el cielo y escuchando las voces del bosque. Su hermano menor se sentó bajo el mismo árbol, coleccionando entre sus piernas algunas piedritas que tenían forma divertida, y hablando sin parar en un idioma que solo él entendía.

El bebé se encontraba de pie a pocos metros de donde lo habían dejado. Al principio intentó atrapar una hormiga que pasaba entre sus pies y casi perdió el equilibrio. Después de eso empezó a llenar lentamente su mano con tierra y en un gran esfuerzo la lanzó en dirección del desgraciado bicho. Cuando no escuchó más la voz de su hermano, se detuvo de golpe y miró a su alrededor. Dándose cuenta de que sus padres ya no lo vigilaban, dio unos pasitos instintivos en dirección de su madre. La voz de su padre lo interrumpió bruscamente. El hombre era alto y le faltaban unos cabellos en la cabeza por demasiadas preocupaciones. Con pocas palabras hizo volver a los dos mayores y les exigió que cuidaran a su hermano. El más grande ya tenía al bebé en sus brazos e intentaba calmar sus estremecimientos con murmullos en el oído.

La madre, al contrario, les habló con la voz mas dulce que podía, pero sin sonreir. Quería sacar una foto de ellos tres. Hace años que los niños ni habían visto la cámara familiar. Las fotos eran recuerdos lejanos de tiempos felices, de carcajadas y buena comida. Sorprendidos, los niños obedecieron a su madre que los hizo retroceder para entrar en la foto.

Cuando el viento aumentó, el bebe empezó a llorar. Al escucharlo el padre se dio la vuelta y puso su mano crispada contra el hombro de su esposa. Ahora solo podían ver una espalda ancha y el lente oscuro de la cámara. Estaban los tres alineados como soldados, el río rugiendo a sus espaldas. El padre decidió acelerar la cosa y añadió su voz a la de su mujer : "más atrás niños, que se vean todos en la foto... los queremos mucho a los tres, ¿saben eso, no?..." Ninguna palabra más pudo salir de la boca de la madre que ya no se sentía más una madre. Incluso hubiera querido una cámara más grande para desaparecer totalmente detrás de ella. Los niños no entendían lo que pasaba. Sólo podían sentir al río acercarse y el frío entrar por sus cuellos. El mayor tomó la mano del segundo, la apretó fuerte y no la quitó hasta que el papá pidió, en una voz cortada, el último paso hacia la muerte.

Direction ailleurs ou une parcelle de mon quartier juif

Une poche de papier recyclé dans la main droite, je quitte mon fournisseur habituel de viennoiseries et reprends, pour de bon cette fois, ma course effrénée dans une Montréal glacée. La faim accélère mon pas et nourrit ma précipitation. Un feu rouge coupe rapidement mon élan, m'oblige à m'arrêter, et laisse l'opportunité au froid d'envahir mes jambes. De telles températures, c'est à vous donner envie de courir sans jamais s'arrêter. Qu'importe, le feu opposé est vert et sans perdre une occasion de traverser je passe de l'autre côté de la rue. Elle est large, la rue Saint Viateur, et de gauche comme de droite l'on se sent emporté par l'élan des travailleurs courageux qui rejoignent le labeur à pied. Je me rends compte alors, et prends note, que ce matin cette grande artère du quartier Mile End me semble un peu trop familière. Serais-je déjà capable de l'imaginer les yeux fermés ? Attention, une fois de plus un feu se met en travers de ma route. C'est alors que je décide de prendre la première sortie sur le côté, afin d'échapper pour de bon à ces perturbateurs de marcher tout droit. Le moment est venu d'apprécier le calme d'une journée qui prend sa place, et de se laisser porter par une rangée de maisons typiquement montréalaises. Plus que semblables, elles reposent toutes sur un escalier en métal habillé de neige et sont si parfaitement alignées que si l'une tombe, elles tomberont certainement toutes avec elle.
J'entre ainsi dans la rue Jeanne-Mance, en plein cœur de mon quartier, cosmopolite, surprenant, et juif depuis plus d'un siècle.

Lire sur le chemin du travail permet de s'échapper un instant dans un autre univers et d'oublier que l'on vit dans un monde où les voitures ont pris bien trop de place. Je tente alors de reprendre la lecture que j'avais commencée avant que la faim ne me gagne, mais j'aurai peine à dépasser la première ligne avant que l'intrigue ne s'installe. Il y a dans cette ruelle comme un silence qui n'a pas sa place, une apparence trompeuse et un décor a priori normal, mais qui me cache quelque chose.
Deux maisons sur trois semblent endormies. Il est tôt et les plus âgés sont déjà sur la route, laissant sans scrupule derrière eux un foyer immobile mais chaud, qui les attendra jusqu'au soir et leur ouvrira la porte comme si de rien n'était. Un peu plus loin de là, j'aperçois celui qui ne va pas tarder à partager un court espace-temps avec moi. Il s'agit d'un petit être insolite, tout vêtu de noir et posté au garde-à-vous sur le trottoir. Derrière lui et suivant une ligne imaginaire parfaitement droite, se trouve un de ces escaliers habituels, aux marches remplies de neige et de traces de pas, et couronné d'une porte bien fermée. Abandonné au triste sort de devoir se rendre à l'école, le petit homme ne doit pas avoir plus de huit ans. Fidèle à la chaussée et silencieux, il a le regard perdu dans le caniveau comme s'il s'y inventait des mondes.

Notre petite masse immobile avale toute la lumière du jour et l'emporte avec elle dans une contrée lointaine de la pensée juvenile, si jeune et à la fois si obscur, l'enfant est habillé de noir, de son sac à dos, son manteau, son écharpe, ses chaussures, à la toque qu'il porte au sommet de son crâne, faisant de lui une présence fantomesque dans cette absence totale de couleur. Ou presque. Une seule touche en effet se détache du portrait, c'est cette superbe chevelure d'un roux vif et rebelle, auquel il n'a rien pu être fait pour atténuer le reflet naturel.
Je m'approche doucement de lui mais il ne bouge pas d'un pied, comme si ma présence avait le poids d'un insecte et tout aussi peu d'intérêt. Je ralentis mon pas jusqu'à voir de près sa chevelure rousse et le blanc immaculé de son cou. Nous sommes là en présence d'un exemple d'une hygiène capillaire parfaite et minutieuse, à la limite du fétichisme. De plus près encore je reconnais la coiffure traditionnelle que porte les juifs orthodoxes du patelin, c'est-à-dire les cheveux assez courts en arrière et deux très longues tresses de chaque côté du visage, comme deux bâtons parallèles enroulés sur eux-même. Certains portent des toques de poils impressionnantes sur la tête mais il faut certainement mesurer plus d'un mètre et demi pour ne pas avoir à la ramasser par terre à chaque instant. Notre personnage quant à lui n'a pas dû vivre assez longtemps pour que ses deux petites tresses rousses atteignent la taille requise, mais l'allure est tout de même unique et l'effet réussi.

Comme lui je baisse de nouveau la tête et me plonge dans les effluves de mon roman dont j'ai gardé la page malgré le froid qui ronge mes doigts. J'attaque la deuxième ligne. C'est là qu'entre en scène un autre personnage de la grande famille de la rue Jeanne-Mance. Parfaitement identique au premier, tant dans sa posture que son vêtement, il n'a pas la même couleur étonnante de cheveux mais invite tout de même à la perplexité. Ce n'est pas tant l'individu en lui-même sinon la répétition d'individus qui intrigue. Je ne saurai pas aujourd'hui ce que raconte la troisième ligne de la page soixante-sept de mon livre, car je suis captivée par ces petits bonshommes alignés sur toute la longueur du trottoir. La rue est rigoureusement jalonnée de ces petits êtres silencieux. Chacun comme la copie du précédent, ils ne semblent pas prendre en compte ma présence dans leurs pensées matinales, pourtant flagrante. Ma grosse blouse blanche me fait intruse, une poussière emportée au hasard du vent.

Parfois la porte derrière eux s'ouvre et un homme, accompagné d'une femme au teint très clair, s'échappe rapidement de la maison. Pendant une demi-seconde j'épie un regard, une tape dans le dos ou une parole familière à l'encontre de l'être dont il sont la raison même de l'existence, mais rien ne se passe. Les parents contournent l'enfant dans son dos et l'évitent discrètement, sans même un contact physique et dans un froid plus que glacial.

Je continue ma route car le spectacle est comme un jeu pour moi. Je voudrais que la rue jamais ne se termine, pour continuer cette répétition étonnante, chercher l'erreur dans ce paysage insolite. L'un d'eux me fera sourire, il porte dans sa main droite une petite assiette en plastique contenant son premier repas de la journée : une tranche de pain brun, un quart bien tranché de poivron rouge, et un autre quart de poivron vert déjà à moitié ingurgité par un ventre affamé. L'on pourrait s'interroger sur l'avenir de l'assiette en plastique mais ce n'est pas le moment, le bus arrive. Certains s'étaient regroupés en bande pour se raconter à voix basse leurs meilleures trouvailles, mais à cet instant tous fixent du regard le même point jaune qui remonte la rue. C'est l'heure d'y aller. Dans sa longue traversée, le point jaune stationne, chaque trois maison, afin de laisser se précipiter à l'intérieur un petit être noir de plus en direction du siège bien chaud qui l'attend. Le chauffeur est aussi coiffé dans les règles et il n'acceptera que des garçons dans son bus, en prenant soin de n'en oublier aucun.
L'autre partie de ce monde n'a pas dit son dernier mot et elle aussi veut aller à l'école, ou du moins quelqu'un veut qu'elle y aille, mais quand ce sera son tour. C'est alors qu'une deuxième note de musique se joue entre les chants d'oiseaux et le vent frais du lundi matin. À l'instant ou disparaissent les petits hommes, quelques jolies jeunes filles sortent brusquement de par les portes fermées. Elle sont prêtes à rentrer dans leur bus, suivant de près le premier et s'arrêtant lui aussi mécaniquement là où il est attendu. L'apparence est plus libérée, la tenue aussi. Le soleil prend de l'envol et l'ambiance se réchauffe doucement.

Plongée dans un décor légèrement différent de mon habitude, mais trop étrange pour ne pas l'apprécier, j'ai l'impression aujourd'hui que notre monde est rempli de couloirs comme celui-ci ou se côtoient des vies, des principes, des religions, des philosophies, des styles, des âges et chaque fois des rêves différents. Comme un ensemble de détails qui définit le terrain de jeu de l'espèce humaine, un contexte qui habille les personnalités, et leur donne à la fois limites et raison d'être.


Finalement au bout de ce couloir vide que je laisse derrière moi, je retrouve peu à peu la vie et me sens visible au milieu d'un mélange de styles, d'âges et de couleurs. Cette foule nettement plus familière se laisse pénétrer régulièrement et comme à l'habitude par un grand homme coiffé d'un haut chapeau poilu et de ces fameuses tresses, bien plus vieux que tous ceux que j'ai croisé un peu plus tôt mais tout aussi peu bavard.
Bien qu'il soit plaisant d'imaginer le contraire et alors les suppositions amènent à des images radicales, il est vraisemblable que ces premiers petits êtres seront un jour de ces derniers de cinq fois leur âge, l'innocence et l'insouciance laissant place à une figure forte représentant de toute son apparence des valeurs qui nous sont inconnues, et nous les retrouveront pour sûr vêtus de la même façon, au même endroit, et toujours aussi étrangement ailleurs.


Bien chez soi, à Montréal

Quand tout se passe aussi bien dans une expatriation on ne voit pas le temps passer. Tout s'enchaîne : de l'appartement au boulot, en passant par le compte en banque et l'abonnement de téléphone, internet, électricité, les meubles et les voisins bruyants, la découverte du quartier avec ses meilleures boulangeries et ses cafés sympas, l'assimilation du mélange des deux langues, les habitudes de tous les jours et les plans pour le week end...
Mais après un certain temps, deux petits mois en ce qui me concerne, je sens la France déjà siiii loin que je me plais à traquer toutes ces petites choses qui me font sourire en les repensant et surtout qui font tout simplement que ça y est, je me sens enfin chez moi, ici, à Montréal.

En voici une première liste, mais elle pourrait s'éterniser encore et encore, car c'est dans les détails que l'on se voit changer, que l'on se voit enrichir et grandir.

Pour ce qui est de mon vécu, je crois que tu es enfin Montréalais quand :

- tu sais ce que veulent dire : "Ostie", "Crisse", "Calisse" et "Tabernak"
- si tu es arrivé en plein hiver et que finalement tu trouves qu'il fait super chaud quand il fait +9° et que tu entends un oiseau piailler au premier rayon de soleil
- tu reçois ta première facture à ton nom dans la boîte aux lettres
- tu peux passer un week end entier à ne rien faire sans culpabiliser ou chercher à faire une démarche administrative ou de recherche d'emploi
- tu sais où tu peux trouver la meilleure baguette la plus proche de chez toi
- tu donnes des indications d'orientation à quelqu'un perdu dans la rue
- tu rentres spontanément dans la file d'attente rangée le long du trottoir à l'arrêt de bus
- tu manges 8 à 10 fruits et légumes par jour et tu ne te plains plus de devoir aller à une séance de sport
- tu as goûté au Bagel, au vrai sirop d'érable et à la poutine
- tu as dans ta garde robe une paire de ski, des patins à glace ou une luge prêts à l'emploi
- des mots te viennent d'abord en anglais avant même le français et que tes phrases prennent une drôle de tournure à l'anglaise
- tu ne te préoccupes plus de savoir si la couleur de ton pull va avec celle de ton sac à main
- tu sais que le bouton "SS" dans l'ascenseur n'a rien a voir avec la 2eme guerre mondiale mais veut dire tout simplement : sous-sol
- tu ne t'inquiètes pas d'avoir oublié ton appareil photo numérique tout neuf dans un restaurant bondé car tu sais que tu le retrouveras intact
- tu as enfin compris que la rue Saint Laurent coupe la ville en deux et que donc d'un côté c'est l'Est et l'autre l'Ouest de la ville
- tu ne t'étonnes plus de tous les jeux de mots farfelus que tu trouves sur les enseignes des boutiques
- tu ne dis plus "je vais à l'épicier du coin" mais "je vais au dépanneur en bas"
- tu t'intéresses aux graffitis sur les murs car ici ils sont vachement beaux
- tu demandes toujours le croisement des rues où tu te rends car tu sais qu'elles sont interminables
- tu souris avant même d'ouvrir la bouche quant un inconnu t'interpelle
- tu dis "criss y fait frête" à la place de "put... y fait froid"
- tu demandes au livreur de pizza comment il va et tu trouves au moins deux sujets de conversation avant de payer ta pizz'
- tu affrontes une flaque d'eau de face et de plein pied au lieu de la contourner
- les gens à qui tu t'adresses ne te disent plus : "ça fait pas longtemps que vous êtes ici non ?"
- tu finis par "souper" (et non dîner) à 7h du soir voir même avant si la journée a été longue
- tu ne râles pas à l'idée de laisser un pourboire pour le service en quittant la table d'un restaurant
- quand tu dis "cet été je pars dans le Sud" tu ne penses pas à la Côte d'Azur mais à Cuba ou au Mexique

- ... à suivre................

Des p'tits bagels, des p'tits bagels, toujours des p'tits bagels....

Vous n'êtes pas sans savoir que l'une des grandes spécialités culinaires du Québec est le Bagel (se prononce bégueule).

Il a été introduit par les juifs exilés de Pologne et de Russie, dans ce quartier du Mile End qui reste aujourd'hui le leur, et le mien par la même occasion. Il est dit sur tout le continent et sur les autres aussi, que le Bagel québécois est le meilleur, qu'il n'a rien à voir avec celui que l'on peut trouver aux Etats-Unis. Fierté pour les Québécois, il est servi nature, en sandwich, accompagnant un thé ou un café, tartiné, beurré, grillé ou non, c'est selon.

Bien plus qu'un trou, cette viennoiserie de forme ronde, percée en son milieu et originellement garnie de sésame, est préparée ici avec des ingrédients qui la rendent plus sucrée que les Bagels américains. Attention, ce n'est pas la seule chose qui le rend incomparable.

Oui, le Bagel québécois est unique, et fabriqué à milliers d'exmplaires par jour. Des p'tits trous, des p'tits trous d'accord, mais lequel choisir ??
Incomparable en dehors de ses frontières très bien, mais qu'en est-il au sein même du Québec ? De la ville de Montréal pour être plus précis...


J'ai emménagé il y a peu de temps rue Clark, dans le fameux quartier très agréable du Mile End et très précisément au milieu entre deux grands fabricants de bagels : Les Bagels St Viateur, rue Saint Viateur, et Les Bagels Fairmount, naturellement rue Fairmount.

Je me suis alors laissée dire que ces deux antres du Bagel étaient LA référence en la matière, les incontournables du genre. Sauf erreur de ma part je n'ai d'ailleurs pas vu d'autres endroits où l'on vendait des bagels cuisinés sur place. Bizarement, il y a les aficionados du Bagel Saint Viateur et de l'autre côté de la rue, ceux du Bagel Fairmount. C'est comme choisir une équipe de foot, on n'y déroge pas, on y reste fidèle. On ne peut pas expliquer pourquoi, mais c'est vicéral. Tout de même, une telle proximité géographique, pourquoi diable l'un plutôt que l'autre ? Il doit bien y avoir une différence, Dieu du Ciel !

Quand j'apprends que Céline Dion avait ses habitudes au Bagel Saint Viateur et qu'elle passait régulièrement se fournir chez son favori, c'en est trop, à moi désormais de choisir mon camp.

De retour de ma course aux Bagels je vide les poches (à part le nom inscrit dessus, elles sont identiques) de leur précieux contenu et je m'engage à les comparer scrupuleusement. Pour ce qui est de l'endroit même où sont fabriqués les petits bagels, la seule différence notable est la langue parlée par le vendeur, dans l'une le français, et dans l'autre l'anglais (tout comme le nom des rues). Les deux ouvrent 24h/24, leur prix ne diffère que de dix centimes de dollars.

A première vue les deux trous sont parfaitement semblables, bien que je ne sois pas allée jusqu'à compter les grains de sésame. La grosseur est la même, le poids également.
Reste ensuite le plus important, le goût. Une bouchée ne m'a pas suffit, j'ai attendu une deuxième, puis une troisième et ainsi de suite jusqu'à la dernière miette. Verdict surprenant : j'ai eu l'impression de manger exactement la même chose.

C'est donc, comme vous pouvez l'imaginer, avec tristesse que je conclue cet article sans pouvoir vous donner ne serait-ce qu'un argument valable pour différencier les deux meilleurs Bagels de Montréal. Un article inutile me direz-vous, eh bien non, car il est dit que seuls ceux qui sont restés assez longtemps dans la ville peuvent noter une différence et faire un choix. Il y a trop peu de temps que j'ai atterri ici, c'est pourquoi je m'en remets à vous, si vous avez un avis sur le sujet, pour nourrir l'intrigue qu'a suscité chez moi ce petit trou de rien du tout, et qui me laisse perplexe.

Il ne me reste donc plus qu'à être patiente et accepter que l'on ne devient pas Montréalaise en un mois.

Pour ma défense je signalerai tout de même que la meilleure boulangerie pour les chocolatines est celle située justement sur Saint Viateur, au croisement avec Clark, 100% pur beurre et ils ont même des chocolatines aux amandes... Un peu de nationalisme, ça ne fait pas de mal.

Et bon appétit bien sûr !

"Je me souviens"

La devise du Québec est faite de trois mots et de plein d'ambiguïtés, certainement à l'image des esprits qui la composent. Inscrite officiellement et pour la première fois sur la sculpture de l'architecte Eugène-Etienne Taché qui orne la porte du Parlement de la ville de Québec, elle dit ceci : "Je me souviens".

Vous me demanderez pourquoi s'intéresser à un tel détail de l'Histoire, Histoire d'un pays que je connais encore si peu. D'abord c'est peut-être pour l'avoir vu inscrite sur toutes les plaques d'immatriculation des voitures québécoises. Ensuite, inconsciemment peut être aussi, pour m'être confrontée à divers profils de canadiens, ou québécois, qui ne voyaient pas mon arrivée sur leur sol avec la même joie partagée. Canadiens ou québécois ce n'est d'ailleurs pas la même chose, la fierté étant souvent placée du côté de la langue couramment utilisée, mais ceci est un autre sujet.

Revenons-en à la devise, car faire un débat sur les courants anglophones ou francophones, libertaires ou conservateurs de la région de Québec nous amèneraient dans des discussions sans fin.

"Je me souviens" donc, mais de quoi? et de qui?.. Le fameux Taché n'a justement pas bien pris à cœur sa tâche (excusez le jeu de mot) car il n'a laissé aucune explication à ces trois mots qui rendent même perplexes les quelques montréalais que j'interroge sur le sujet. En disposant sur son monument une série de sculptures représentant différentes figures de l'Histoire, il voulait enraciner les québécois dans leur Histoire, faite de mixité et de richesses combattues longtemps par les armes. On y retrouve la figure d'amérindiens, d'explorateurs, de missionnaires, de militaires et administrateurs français mais tout autant, si ce n'est plus encore, de figures du régime anglais. Ainsi il a probablement voulu dire que le Québec d'aujourd'hui est le fruit de tous, ceux là même qui s'affrontent sur le terrain politique. Taché avait par ailleurs laissé des places libres dans sa sculpture pour proposer aux générations futures de continuer le combat de la défense d'une patrie mixte et forte. Seulement à laisser libre interprétation on ne pousse pas forcément à l'ouverture d'esprit. Quoi qu'il en soit il est sans nul doute enviable aux québécois d'avoir une devise à qui chacun peut donner le sens qu'il désire en terminant la phrase à sa guise.

La confusion, qu'elle ait été voulue ou non par son initiateur, est là, partout. Parfois la fierté est dans l'héritage des conquêtes françaises, parfois dans l'appartenance à une terre anglaise, bref, c'est flou.

Ce qui me plaît à moi maintenant dans cette devise, c'est qu'elle ressemble à une phrase coupée dont on aurait retrouvé que la moitié, comme une ironie qui nous laisse penseurs.... Elle nous renvoie tous à notre propre Histoire, ou à NOTRE histoire personnelle, celle qui nous a fait arriver ici, et pas ailleurs. J'aime cette idée de garder dans un coin de sa tête, malgré tous les voyages et toutes les péripéties, l'endroit d'où l'on vient, et notre histoire. Parce-que c'est important d'avoir un point de départ, et de ne pas partir pour fuir quelque chose sinon parce que ce quelque chose nous a amené ici dans un but précis. Partir en sachant pourquoi et ce que l'on laisse derrière. Se souvenir, mais avoir le choix du souvenir. Simplement ne pas oublier de se souvenir...

Contrairement à notre "Liberté, Egalité, Fraternité" (pas vraiment moins flou soit dit en passant...) la devise québécoise est très nettement tournée vers le passé, et la mémoire des québécois en est la preuve vivante. A la relire deux fois cette devise serait presque comme un reproche pour tous ceux qui ont oublié... mais oublié quoi??... Ouf, on a la libre interprétation. Y a-t-il quelque chose que l'on ne m'aurait pas dit sur l'histoire du Québec? Beaucoup d'entre vous tout comme moi il y a quelques mois, ne savent pratiquement rien de l'histoire de ce pays frère porutant et pas seulement de langue. Or bizarrement l'on se sent plus encore impliqué dans la réalité québécoise lorsque l'on s'intéresse de plus près à des personnages comme Champlain et Maisonneuve et leurs aventures incroyables avant de fonder respectivement les villes de Québec et de Montréal. Je me suis étonnée de voir que beaucoup de québécois (Montréalais en l'occurrence) étaient quant à eux persuadés que les français étaient incollables sur l'histoire du Québec... serais-je la seule qui n'ait pas fait l'effort de m'instruire avant de partir?

Voilà, sans vouloir être rébarbative ni donner des leçons d'histoire loin de là, lorsqu'on se sent bien quelque part on a envie d'en savoir plus, et en cela le Québec est bien choisi pour attiser notre curiosité, souvenez-vous en !!